10 raison pour confier son poème à un écrivain (partie 2)

Publié le 6 octobre 2025 à 21:16

2. L'écrivain peut transformer des émotions diffuses en un texte ciselé, fluide, marquant.

Prenons le poème intitulé Auprès d’un vieillard, comme exemple.

 

— Dis-moi ce qui ne va pas.

 

« Je ne suis qu’une version des histoires

Que je n’ai pu raconter. »

— Raconte-moi près du feu; viens t’asseoir

Et te réchauffer.

 

« Je patine sur une glace qui se fendille

Et je perds de la vitesse. »

— Je te tendrai la main si tu vacilles

Et que ton âme est en détresse.

 

« Je ne suis qu’un homme de papier

Fait pour brûler dans l’orage. »

— Pour moi, ton âme est faite d’acier,

Et ton coeur, d’un grand courage.

 

« Mes mains, faites pour prendre et tenir,

Ne savent plus que lâcher prise. »

— Toi qui a tant aimé bâtir,

J’entends tes louanges dans la brise. 

 

« Je ne suis plus qu’un bruit de fond

Dans le tintamarre des cités. »

— Nous aimons les mêmes chansons

Emplies d’honneur et de fierté!

 

« Mon vieux corps ne m’obéit plus

Même mon ombre me laisse derrière. »

— Le Soleil s’est déplacé, sans plus.

Ton ombre est toujours là, comme hier.

 

J’ai commencé par une émotion diffuse, presque insaisissable : le poids du temps, l’amertume des regrets, la dignité d’une voix fatiguée. Tout cela, au départ, n’était qu’un mélange de compassion, de tendresse, de gravité. Pour ne pas me perdre dans ce brouillard, j’ai choisi d’incarner ce tumulte intérieur dans un dialogue simple, direct : la voix du vieillard et la mienne.

Chaque réponse que je lui adresse sert à polir la matière brute de la douleur. J’ai transformé ses images sombres en miroirs où pouvait se refléter une lumière — un contrepoids qui adoucit sans effacer la vérité. En alternant ses phrases à moi, j’ai trouvé un rythme, une respiration : la plainte et le réconfort, la chute et la main tendue.

C’est ainsi que l’émotion, d’abord diffuse, est devenue fluide. Les images se sont resserrées, ciselées comme des éclats de glace ou de feu — fragiles mais nettes. Je préfère les textes denses, qui ne s’éparpillent pas. Chaque mot compte.

L’ensemble du poème marque un double mouvement : accueillir la vulnérabilité sans la nier, mais aussi y opposer une force douce, une fidélité qui redonne de la grandeur à celui qui s’efface. J’ai transformé la plainte en dialogue, et le silence en rythme. Voilà comment j’ai donné forme, clarté et intensité à des émotions que je ne voulais pas laisser flotter dans l’indistinct.

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